Lohengrin
Musique
Salvatore Sciarrino
Direction musicale
Beat Furrer
Mise en scène
Ingrid Von Wantoch Rekowski
Lohengrin, ce nom seulement et déjà la musique. Richard Wagner, bien sûr, qui fit de la légende son sixième opéra, créé au beau milieu du XIXe siècle. Mais oublions-le aussi vite pour nous attacher ici à une des plus envoûtantes et mystérieuses partitions de Salvatore Sciarrino, créée au tournant de nos années quatre-vingt à la Scala de Milan.
La légende, il l’emprunte à Jules Laforgue et à son recueil posthume des Moralités légendaires (1887), la traduit dans sa langue (musicale et italienne) et la dédie en forme de monologue à Elsa, ou plus exactement à la voix qui prend le rôle, les deux rôles, tous les rôles. « C’est un théâtre qui concentre toute sa force dramatique dans le langage musical, et où l’on aboutit à l’intériorisation du théâtre et de la musique. C’est aussi la première amorce, balbutiante, d’une expression vocale indépendante de tout modèle préexistant ».
C’est vrai, cette voix qui susurre, intime à notre oreille, et multiplie les sonorités sensuelles, nous transporte jusqu’à une ultime comptine « Ah, les cloches qui sonnent ainsi… Les cloches… ». Lohengrin est un chef d’œuvre, de raffinement, de fragilité, de trouble, peuplé de personnages oniriques ou monstrueux. Cette action invisible est transcendée, dans le spectacle millimétrique d’Ingrid von Wantoch Rekowski, par une interprétation remarquable. L’à-propos de la direction musicale de Beat Furrer (spécialiste inspiré de l’œuvre du compositeur italien), la ferveur des musiciens berlinois du KNM et, enfin, le rayonnement de la charismatique comédienne Viviane de Muynck, rendent à la partition son charme et toute son étrangeté.
Avec cette production acclamée à Berlin puis à Bruxelles ce printemps, T&M conclut dix années consacrées au théâtre musical et lyrique contemporain au sein du Théâtre des Amandiers.